Amin Maalouf ha publicado su libreto, del que existe traducción al español en Alianza Editorial.
La traducción con que acompañaremos el libreto en este hilo, es mía, y no tiene ninguna pretensión artística. Se limita a verter en castellano el francés original, para facilitar la comprensión del texto.
Empezamos con el Acto I.
FRANCES
Un petit château médiéval dans le sud-ouest de la France.
Assis sur un siège, Jaufré Rudel tient dans les mains un instrument de musique, une vièle, ou un luth arabe. Il est en train de composer une chanson. Il agence les paroles, les notes.
Jaufré
J'ai appris à parler du bonheur, à être heureux je n'ai point appris. (Il fait "non" de la tête.) A parler du bonheur j'ai appris, à être heureux point n'ai appris. (Il fait "oui" de la tête.) J'ai vu un rossignol sur la branche, ses mots appelaient sa campagne. Mes propres mots n'appellent que d'autres mots, mets vers n'appellent que d'autres vers. Me diras-tu, rossignol.. (Il s'interrompt.) Rossignol me diras-tu, rossignol. (Il fait "oui".) Rossignol me diras-tu, rossignol.
Les Compagnons en Choeur
Rossignol ne te dira rien!
Jaufré
Compagnons, laissez-moi finir!
Les Compagnons
Non, Jaufré, nous ne te laiserons pas, écoute-nous. Nous ne dirons que les paroles que nous sommes venus dire, Ensuite nous partirons, promis! Tu ne nous verras plus..
Jaufré
Je ne vous demand pas de partir, compagnons, Je vous demande seulement de me laisser terminer mon couplet, Je cherche un mot..
Les Compagnons
Si tu cherches un mot, Tu le trouveras parmi ceux que nous allons te dire. Ecoute-nous!
(Jaufré hausse les épaules, boudeur, et se met à gratter sur son instrument le même air, sans les paroles, qu'il mime seulement de ses lèvres, comme s'il les composait à mi-voix. Et lorsque ses compagnons en choeur commencent à le sermonner, il s'empare de leurs mots pour les mettre en musique. Parfois même il anticipe, tant il sait d'avance ce que le sens commun voudrait lui assener.)
Les Compagnons
Jaufré, tu as changé, tu as perdu ta joie. Tes lèvres ne cherchent plus les goulots des bouteilles Ni les lèvres des femmes..
Jaufré
Jaufré, tu as changé, tu as perdu ta joie, Pourtant les tavernes d'Aquitaine Se souviennent encore de tes rires Ton nom reste gravé au couteau Dans le bois sombre de leur tables (Arrêtant de gratter son luth.) Ai-je oublié quelque chose? Ah oui.. (Recommençant à jouer.) Jaufré Rudel, rapelle-toi, Les dames te regarderaient avec terreur Et les hommes avec envie.. (Arrêtant de gratter.) Ou est-ce l'inverse que l'on disait? (Recommençant) Les hommes te regardaient avec terreur Et les dames avec envie.
Les Compagnons
Moque-toi, Jaufré, moque-toi tant que tu voudras, Mais tu étais heureux chaque nuit et à chaque réveil, L'aurais-tu déjà oublié?
Jaufré
Peut-être que j'étais heureux, compagnons, oui, peut-être Mais de toutes les nuits de ma jeunesse Il ne me reste rien, De tout ce que j'ai bu il ne me reste Qu'une immense soif De toutes les étreintes il ne me reste Que deux brats maladroits. Ce Jaufré-là qui l'on a entendu brailler dans les tavernes, On ne l'entendra plus. Ce Jaufré-là qui chaque nuit pesait son corps sur la bascule d'un corps de femme, On ne le verra plus..
Les Compagnons
Ainsi tu ne veux plus jamais tenir aucune femme dans tes bras!
Jaufré
La femme que je désire est si loin, si loin, Que Jamais mes bras ne se fermeront aoutour d'elle.
Les Compagnons
Ou est-elle donc, cette femme?
Jaufré
Elle est loin, loin, loin.
Les Compagnons
Qui est-elle, cette femme? Comment est-elle?
Jaufré
Elle est gracieuse et humble et vertueuse et douce, Courageuse et timide, endurante et fragile, Princesse à coeur de paysanne, paysanne à coeur de princesse, D'une voix ardente elle chantera mes chansons..
(Pendant que Jaufrýé énumère ainsi les qualités supposées de la femme lointaine, un homme à l'allure imposante fait son entrée, s'appuyant sur un bâton de pèlerin, portant un long monteau sans manches. Il contemple avec bienveillance le troubadour, qui ne le voit pas encore, et qui poursuit sa litaine.)
Jaufré
Belle sans l'arrogance de la beauté, Noble sans l'arrogance de la noblesse, Pieuse sans l'arrogance de la piété..
Les Compagnons
Cette femme n'existe pas, dis-le-lui, Pèlerin, Toi qui as parcouru le monde, dis-le-lui! Cette femme n'existe pas!
Le Pèlerin
Peut-être bien qu'elle n'existe pas Mais peut-être bien qu'elle existe. Un jour, dans l'Outremer, j'ai vu passer une dame..
C'était à Tripoli, près de la Citadelle. Elle passait dans la rue pour se rendre à l'église, et soudain il n'y avait plus qu'elle. Les conversations sons tombées, les regards se sont tous envolés vers elle come des papillons aux ailes poudreuses qui viennent d'apercevoir la lumière. Elle-même marchait sans regarder personne, ses yeux trainaient à terre devant elle comme â l'arrière trainait sa robe. Belle sans l'arrogance de la beauté, noble sans l'arrogance de la noblesse, Pieuse sans l'arrogance de la piété..
Jaufré
Parle-moi encore, l'ami, Parle-moi, Parle-moi d'elle..
Le Pèlerin
Que veux-tu que je dise? Je t'ai déjà tout dit, Nous étions près de la Citadelle, C'était le dimanche de Pâqes, Elle s'appelle...
Jaufré
Non, attends, ne me dis pas son nom! Pas encore! Dis-moi d'abord qu'elle couleur ont ses yeux.
Le Pèlerin
Ses yeux.. Ses Yeux... Je ne l'ai pas observée d'assez près...
Jaufré
Ses yeux ont la couleur de la mer lorsque le soleil vient juste de se lever, et que l'on regarde vers le couchant les ténèbres qui s'éloignent....
Le Pèlerin
Jaufré, mon ami...
Les Compagnons
Jaufré, Jaufré Rudel, Ta barque s'éloigne du rivage Ton esprit dérive...
Jaufré
Et ses cheveux?
Ses cheveux sont si noirs et soyeux que la nuit on ne les voit plus, on les entend seulement comme un murmure de feuillages...
Le Pèlerin
Sans doute...
Jaufré
Et ses mains, ses mains lisses, s'écoulent comme l'eau vive Je les recueille dans mes paumes ouvertes et je me penche au-dessus d'elles Comme au-dessus d'une fontaine pour boire les yeux fermés...
Et ses lèvres sont une autre source fraiche, Qui sourit et murmure les mots qui réconfortent
Et qui s'offre à l'amant assoiffé... Et son corsage... Dis-moi, l'ami, comment était-elle habillée?
Qu'as-tu fais de moi, Pèlerin? Tu m'as fait entrevoir la source à laquelle je ne boirai jamais, Jamais la dame lointaine ne sera à moi, mais je suis à elle, pour toujours, et je ne connaitrai plus aucune autre. Pèlerin, qu'as-tu fait de moi? Tu m'as donné le gout de la source lointaine,
A laquelle jamais jamais Je ne pourrai me désaltérer.
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Castellano
Un pequeño castillo medieval en el Sudoeste de Francia
Sentado sobre un escaño, Jaufre Rudel tiene en sus manos un instrumento musical, una fídula o un laúd árabe. Está componiendo una canción, armonizando las palabras, las notas
Jaufré
He aprendido a hablar de la felicidad, pero no a ser feliz. A hablar de la felicidad he aprendido, pero no a ser feliz. He visto un ruiseñor sobre una rama, llamando con sus palabras a su compañero. Mis palabras sólo llaman a otras palabras, mis versos sólo llaman a otros versos. Dime, ruiseñor... Ruiseñor, dime, ruiseñor. Dime ruiseñor, ruiseñor.
Coro Compañeros
El ruiseñor no te dirá nada
Jaufré
Compañeros, dejad que termine.
Coro Compañeros
No, Jaufré, no te dejaremos, escucha. Diremos las palabras que hemos venido a decir. Entonces nos iremos, es una promesa. No nos verás más...
Jaufré
No os pido que os vayáis, compañeros. Sólo os pido que me permitáis terminar mi estrofa. Busco una palabra.
Coro Compañeros
Si buscas una palabra, la encontrarás entre las que vamos a decirte. Escúchanos.
Jaufré se encoge de hombros, huraño, y comienza a rasgar la misma tonada en su instrumento, sin palabras, sólo con mímica, como si las compusiera a media voz. Y mientras sus compañeros en coro comienzan a sermonearle, se apropia de sus palabras para ponerles música. A veces incluso se anticipa, hasta tal punto sabe lo que el sentido común le dictaría.
Coro Compañeros
Jaufré, has cambiado, has perdido tu alegría. Tus labios ya no buscan la boca de las botellas, ni los labios de las mujeres
Jaufré
Jaufré, has cambiado, has perdido tu alegría, pero las tabernas de Aquitania todavía recuerdan tus risas. Tu nombre sigue grabado en la oscura madera de sus mesas. ¿He olvidado algo?. Ah, sí. Jaufré Rudel, recuerda, las damas te miraban con terror, y los hombres con envidia. ¿O era al revés?. Los hombres te miraban con terror y las damas con envidia.
Coro Compañeros
Búrlate, Jaufré, búrlate tanto como quieras, pero eras feliz cada noche, y feliz al despertarte. ¿Lo has olvidado?
Jaufré
Tal vez fuera feliz, compañeros, sí, tal vez. Pero de todas las noches de mi juventud, no me queda nada. De todo lo que he bebido, sólo me queda una inmensa sed. De todos los abrazos, sólo me quedan dos torpes brazos. A ese Jaufré a quien se oía chillar en las tabernas, no se le volverá a oir. A ese Jaufré que cada noche pesaba su cuerpo en la balanza de un cuerpo de mujer, no se le verá más.
Coro Compañeros
No deseas entonces volver a tener el cuerpo de una mujer en tus brazos
Jaufré
La mujer que deseo está tan lejos, tan lejos, que nunca se cerrarán mis brazos a su alrededor.
Coro Compañeros
¿Donde se encuentra, esta mujer?
Jaufré
Está lejos, lejos, lejos
Coro Compañeros
¿Quién es?, ¿Cómo es?
Jaufré
Es graciosa y humilde y virtuosa y dulce. Valiente y timida, fuerte y frágil, una Princesa con el corazón de una campesina, una campesina con el corazón de una princesa. Con voz ardiente cantará mis canciones.
(Mientras Jaufré enumera las supuestas virtudes de la mujer lejana, un hombre de imponente aspecto hace su entrada, apoyado sobre un bastón de peregrino, llevando un largo manto sin mangas. Contempla con benevolencia al trovador, que no le ve, y continua su letanía)
Jaufré
Bella sin la arrogancia de la bealdad, noble sin la arrogancia de la nobleza, piadosa sin la arrogancia de la piedad.
Coro Compañeros
Esta mujer no existe, díselo, Peregrino, tú que has recorrido el mundo, díselo. Esta mujer no existe.
El Peregrino
Puede que no exista, pero también puede que exista. Un día, en Ultramar, ví pasar una dama
Era en Tripoli, junto a la Ciudadela. Pasaba por la calle camino de la Iglesia, y de repente sólo existía ella. Las conversaciones se detenían, atraía las miradas de todos como si fueran mariposas de alas polvorientas que acaban de ver la luz. Caminaba sin mirar a nadie, sus ojos enfocados en el camino, mientras su vestido se derramaba a su espalda. Bella sin la arrogancia de la bealdad, noble sin la arrogancia de la nobleza, piadosa sin la arrogancia de la piedad
Jaufré
Sigue hablando de ella, amigo, Hablame, hablame de ella
El Peregrino
¿Qué puedo decirte?. Ya he dicho todo. Estábamos cerca de la Ciudadela, era el Domingo de Pascua, su nombre es...
Jaufré
Espera, no me digas su nombre. Todavía no. Dime primero el color de sus ojos
El Peregrino
Sus ojos... Sus ojos... No los he visto de cerca...
Jaufré
Sus ojos son del color del mar cuando el sol apenas se levanta sobre el horizonte, y se acuesta sobre las tinieblas que se alejan...
El Peregrino
Jaufré, amigo mío....
Coro Compañeros
Jaufré, Jaufré Rudel, tu barca se aleja de la costa, tu espíritu va a la deriva
Jaufré
¿Y sus cabellos?
Sus cabellos son tan negros y sedosos, que no se pueden ver en la noche, se les escucha solamente como un murmullo de hojas...
El Peregrino
Sin duda....
Jaufré
Y sus manos, sus suaves manos, que fluyen como agua saltarina. Las recojo en mis manos abiertas y me inclino sobre ellas, como si fueran una fuentel, para beber, con mis ojos cerrados...
Y sus labios son otro fresco manantial, que sonrie y susurra palabras de consuelo
Y se ofrece al amante sediento... Y su blusa.... Díme, amigo, ¿como iba vestida?
¿Qué has hecho conmigo, Peregrino?. Me has hecho entrever la fuente de la que no beberé jamás. Jamás la dama lejana será mía, pero yo soy suyo, para siempre, y no conoceré ninguna otra. Peregrino, ¿qué has hecho conmigo?. Me has dado a probar el sabor de la fuente en la que jamás, jamás, podré saciar mi sed
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El Acto I tiene una duración aproximada de 18 minutos. Nos introduce perfectamente en el desarrollo lento, pausado, de la acción y en las largas armonías que forman su base.
En primer lugar, tenemos la introducción instrumental,
Traversée, que durante cuatro minutos trata de describir el movimiento del mar, el mar que separa y acabará uniendo a los dos amantes. El efecto lo consigue Saariaho superponiendo diferentes arpegios en varios grupos orquestales, y con distintas dinámicas. Este esquema se va haciendo más complejo a medida que avanza la pieza. En la introducción, Saariaho presenta también los tres acordes básicos del primer acto: el "Amour de loin", el que escuchamos cuando Jaufré habla con el Coro, y el asociado al Peregrino.
Al acabar la
Traversée, nos encontramos sin ninguna transición aparente con Rudel, que está componiendo su canción "Quan lo rossinhols el follos", que hemos escuchado en el hilo. Si nos fijamos, la melodía de Saariaho y la canción de Rudel, ambas modales, tienen un innegable parecido. El arpa, al fondo, nos remite a la vihuela que toca Rudel. Los Compañeros intervienen, también en quintas perfectas, que nos recuerdan a la polifonía, al ambiente medieval. Mientras Jaufré dice adiós a su antiguo yo (
Ce Jaufré-là qui chaque nuit pesait son corps sur la bascule d'un corps de femme, On ne le verra plus), vuelve a sonar el acorde del Peregrino, que tras la apasionada descripción que hace Rudel de su amada ideal (
Elle est gracieuse et humble et vertueuse et douce, Courageuse et timide, endurante et fragile, Princesse à coeur de paysanne, paysanne à coeur de princesse, D'une voix ardente elle chantera mes chansons), aparece en escena y se cierra el cuadro con la afirmación airada del Coro:
Cette femme n'existe pas, dis-le-lui, Pèlerin, Toi qui as parcouru le monde, dis-le-lui! Cette femme n'existe pas!
El segundo cuadro empieza de nuevo con el acorde del Peregrino subiendo en las cuerdas, mientras las maderas trazan una línea melódica asociada. El objetivo es dar una sensación de solemnidad, de fiabilidad, al personaje. Mientras el Peregrino informa a Jaufré de la existencia de Clémence (
C'était à Tripoli, près de la Citadelle...) se desarrolla este material. A continuación Jaufré sigue enumerando las virtudes de su dama, y el Coro vuelve a la carga, con la misma base del primer cuadro, sin hacer mella en el trovador. Un acorde en
fortissimo de la orquesta, introduce la ensoñación de Rudel que cierra el cuadro, donde escuchamos de nuevo los acordes "Amour de Loin" y "Peregrino", que se disuelven en el asociado a Clémence, (
Tu m'as fait entrevoir la source à laquelle je ne boirai jamais), en
pianissimo terminando el cuadro lentamente, con una sensación de calma, y el Coro casi susurrando el nombre de Jaufré.
Vamos a escuchar este Primer Acto completo tal y como sonó por primera vez, en el estreno de la Opera en el Festival de Salburgo. Dirige Kent Nagano, Dwayne Croft canta Jaufré y el Peregrino es Dagmar Peckova.
L'Amour de loin-Primer Acto